Taches rousses – Morgane Montoriol

Beck Westbrook, une jeune femme de 24 ans au visage couvert de taches de rousseur, vit à Los Angeles. Elle a grandi à Muskogee, un petit bled de l’Amérique profonde, entre sa sœur Leah, une mère au bord du gouffre et un père violent… jusqu’à la disparition inexpliquée de sa sœur.
Mais Beck s’en est sortie. Au moins en apparence. Car pour devenir comédienne, Beck fait semblant de vivre normalement au milieu d’une faune artistique qu’elle exècre, et sur laquelle elle pose un regard d’une lucidité glaciale. Jusqu’à ce que sa vie bascule un soir caniculaire où elle découvre le cadavre mutilé d’une jeune femme dans le bac à ordures de son jardin. Sans compter cet homme étrange qu’elle croise un peu trop souvent ces derniers temps…

Avis

Beck est au centre de ce roman. Pour un premier roman, j’ai été très étonnée de découvrir un personnage aussi intéressant et réaliste tant il est bien construit et fouillé au niveau psychologique.

Beck nous parle de la relation très forte qu’elle entretenait avec sa petite sœur Leah, un lien indéfectible face à un père violent. Du choc de sa disparition et de sa décision de changer de vie en allant à Los Angeles. On ne saura jamais vraiment quels sont ses objectifs de vie tant elle semble errer entre son compagnon de 63 ans qui ne l’attire en rien, ses auditions pour décrocher un job de comédienne qui ne l’intéresse pas et ce visage constellé de taches de rousseur qu’elle tente de camoufler par tous les moyens.

Taches rousses traite en grande partie de la question de l’identité. Beck étant consciente de ne jamais être vraiment elle-même, empruntant souvent les goûts et intérêts de Leah et jouant la comédie jusque dans sa vie privée. Avec l’impression de sans cesse porter un masque.

Je brûle d’ôter ce masque. Il n’a jamais réellement collé à mon visage. Il ne s’est jamais vraiment fondu à mon ovale. Il y a bien trop de bosses, sur sa surface. Ce n’est pas un masque que l’on pose et qui s’accroche en un clic. Il faut que je le masse chaque matin, pour le chauffer, pour qu’il tienne mieux. Et puis il faut que je l’ajuste, que je le resserre, que je l’appuie longuement et fortement sur ma peau jusqu’à ce qu’il pénètre ma chair, jusqu’à ce qu’il s’imbibe de mon sang, jusqu’à entendre mes os craquer; pour qu’il prenne forme. Et à chaque mouvement de lèvres, je le sens se décoller. Je sens qu’il glisse, sur cette peau pourtant assez épaisse pour le retenir.

Comment pourrais-je jouer le rôle d’Henrietta, alors que je joue déjà le rôle d’une Beck, qui me file entre les doigts? Ça fait beaucoup trop de couches à étaler les unes par-dessus les autres.

L’autre personnage majeur de ce roman est Wes, un peintre talentueux mais mal dans sa peau. Ses toiles, particulièrement glauques, mettent en scène des femmes dans des scènes de torture ou de mort. D’une grande sensibilité artistique, Wes est torturé par les images morbides qui s’imposent à lui.

Ajoutez à cela un tueur en série qui laisse de jeunes filles totalement défigurées et mutilées et vous aurez une idée de l’ambiance malsaine de ce roman.

Le grand talent de Morgane Montoriol est de promener le lecteur au gré de ses envies. Et ce n’est qu’à la toute fin du roman que l’on se rend compte à quel point on s’est fait berner sur toute la ligne, tant sur la personnalité des protagonistes que sur leurs actes.

La structure du récit est relativement classique, avec une alternance des points de vue entre Beck et Wes. J’ai trouvé qu’une certaine lenteur se dégageait de Taches rousses, pas déplaisante du tout car elle crée une attente, fait monter la tension et nous laisse le temps d’imaginer des hypothèses.

J’ai par contre été plusieurs fois perturbée par la ponctuation bizarre, des virgules placées en milieu de phrase, à des endroits incongrus.

Un très bon premier roman et un talent qui ne demande qu’à se développer. Une auteure à tenir à l’œil!

Remerciement aux Editions Albin Michelpour cette lecture.


Taches rousses – Morgane Montoriol – Editions Albin Michel – 2020

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